dimanche 1 avril 2007

Critiques des positions de Nicolas SARKOZY sur la laïcité

D'après République, Religions, EspérancesNicolas Sarkozy


Derrière un discours d’apparente tolérance envers les diversités culturelles et religieuses des français, les positions de Nicolas Sarkozy révèlent une vision inquiétante de la République laïque. Il nous est en effet proposé un modèle de société ordonnée et régulée en partie par les religions, et  à travers lequel les communautarismes sont exacerbés.
L’enjeu est de taille. Il s’agit de mettre en lumière les convictions profondes de Mr Sarkozy afin d’expliquer clairement aux citoyens les dangers réels auxquels ils sont exposés.


Les certitudes de Mr Sarkozy

            Dès son arrivée au ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a délibérément pris le parti de « faire des questions religieuses un des aspects important de [son] activité ». Mr Sarkozy se réfère très souvent au besoin d’espérance, de religieux et de spirituel, allant jusqu’à considérer comme une « arrogance » le fait de ne pas croire en une présence divine. Convaincu du rôle apaisant et régulateur des religions au sein d’une société, il favoriserait une autorité sur les âmes.
           
Cette attitude remet profondément en cause les combats acharnés gagnés depuis la Révolution Française, en matière de libéralisation de d’émancipation des consciences. Une telle régression intellectuelle est inacceptable car contraire à la notion de progrès. La remise en cause profonde de la séparation entre le spirituel et le temporel est une oppression morale qui ne dit pas son nom.


Les Eglises et l’ordre

            Nicolas Sarkozy prône l’ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses et inversement. L’objectif affiché est l’organisation et l’institutionnalisation des Eglises sous couvert de l’Etat, pour permettre leur reconnaissance et une meilleure considération. Ainsi, les déviances intégristes seraient refreinées, les notions de droits et devoirs du citoyen « éclairées » par la religion.

           
L’ordre public

En matière d’ordre public, les situations mêmes qui font la fierté du ministre de l’Intérieur, illustrent à plusieurs reprises l’inefficacité d’une intervention de l’Eglise dans les affaires de l’Etat.
            Au sujet du problème corse, Nicolas Sarkozy évoque en ces termes Mgr Lacrampe, évêque d’Ajaccio, « il est un artisan précieux pour la concorde dans la communauté nationale ». Il n’est pas sans rappeler l’augmentation de la violence (229 dégradations ou destructions par substance explosive (ou tentatives) contre 168 en 2005[1]) ainsi que le regain de racisme que connait l’île de Beauté depuis quelques années, malgré les vaporeuses déclarations de Mr Raffarin en 2004.
            Dans son livre-profession de 2004 (« La République, les religions, l’espérance »), Nicolas Sarkozy affirmait : « Si j’ai pu conduire la présence ferme de la police dans les banlieues sans provoquer de révolte, à quoi croyez-vous que cela tenait ? ». Il cite la police et la gendarmerie bien sûr, mais insiste fortement sur l’influence déterminante du CFCM, avant d’ajouter « Quand les communautés qui ont le sentiment d’être injustement traitées sont invitées à s’exprimer dans un cadre précis, organisé, légitimé, elles s’apaisent parce qu’elles ont un champ d’expression qui n’est pas illégitime ». A la lumière de la crise des banlieues à l’Automne 2005, on ne peut qu’être perplexe quant à l’ « apaisement » des communautés malmenées.
            Enfin, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier d’ « atout précieux » la prise de position du CFCM, mentionnant même l’UOIF, dans la gestion de la prise d’otages Chesnot et Malbrunot. Non pas qu’une telle association ne dût pas condamner ni exprimer sa solidarité. Simplement, il convient de s’interroger sur la généralisation de ce type d’interventions, notamment lorsque la France sera amenée à s’exprimer sur des thèmes aussi sensibles que le conflit au Moyen-Orient. Il est impératif que sur les sujets de politique internationale, l’Etat ne souffre d’aucune ingérence.

                        L’ordre social

            Un autre aspect de la logique Sarkozy couvre le volet de l’ordre social. En effet, selon ses propres termes « les religions peuvent être le creuset pour la générosité ». En diffusant une morale religieuse au sein de la population, il souhaite faire appel aux élans de charité préconisés dans les religions (celles qu’il nomme lui-même les religions « reconnues », c'est-à-dire le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme). Les conséquences à moyen terme de cette stratégie seraient catastrophiques et contraires aux principes Républicains. En particulier, Nicolas Sarkozy veux soulager l’Etat de dépenses liées au social, à la santé, et par extension à tout service public n’étant ni profitable, ni en rapport avec la loi, alors dernier sanctuaire de l’Etat. Il faut en outre être conscient que l’aide à son prochain, du point de vue religieux, est un principe qui s’applique de façon intra-communautaire : un individu aidera en priorité un individu de la communauté à laquelle il appartient. Sauvegarder l’Etat providence concourre donc à prévenir le communautarisme.

                        L’ordre moral

C’est enfin l’ordre moral qui est repensé par Nicolas Sarkozy. Tout en réduisant la morale républicaine à la conformité à la loi, il estime que les Eglises proposent des repères rigoureux et intangibles. Sa volonté se traduit d’une part à travers l’instauration d’une gouvernance des Eglises, et d’autre part via l’introduction du spirituel dans l’éducation des jeunes.
            En appuyant la création du CFCM, Nicolas Sarkozy désirait en quelque sorte donner une légitimité à la communauté musulmane, et atténuer les dérives extrémistes. Force est de constater son échec. C’est aujourd’hui la fédération islamique la plus fondamentaliste et connue pour être la plus active sur le terrain qui est à la tête du CFCM. Notons par exemple que le CFCM ne reconnait pas le droit aux musulmans de changer de religion. L’association s’est radicalisée. Le risque d’un discours et d’un comportement déviants est considérable, d’autant plus que le CFCM est destiné à représenter les musulmans dans leurs relations avec le pouvoir politique. Quant à la communauté musulmane, il y a fort à craindre qu’en termes de « légitimité », elle ait désormais bien plus à perdre qu’à gagner d’une telle représentation.
            La question de l’éducation n’est pas en reste. Elle est certainement la plus problématique. Les positions de Nicolas Sarkozy ne s’arrêtent pas à la construction de mosquées dans les cités, à l’intervention des religions dans les discussions liées à l’organisation du temps scolaire,  à l’instauration de cours d’histoire des religions… Son attaque du bastion de la République va beaucoup plus loin : il loue l’époque où l’ « on recevait une éducation religieuse, même dans les familles où l’on ne croyait pas. Cela permettait d’acquérir des valeurs qui comptaient pour l’équilibre de la société ». Non seulement son appréciation est réactionnaire, mais elle véhicule également l’idée que l’école républicaine devrait enseigner telle ou telle morale, et définir un cadre comportemental afin de rendre les consciences malléable et dociles. Nicolas Sarkozy voudrait cultiver l’espérance et le spirituel dans les jeunes consciences. Or une jeunesse qui espère demain au lieu de bâtir demain, c’est une jeunesse attentiste, c’est une jeunesse qui ne va pas au devant des défis, c’est une jeunesse qui subit.

Au projet de société que présente le PS, basé sur la solidarité, la justice sociale, la responsabilité, l’UMP oppose, des Eglises institutionnalisées, organisées et reconnues par l’Etat, des communautés religieuses qui se substituent aux prérogatives de l’Etat, l’affaiblissement du jugement et du discernement des individus.


Aménagements à loi 1905 et autres suggestions Sarkozistes

Gestion des cultes de type Alsace-Moselle
           
Les subventions à la gestion du culte sont souvent évoquées par Nicolas Sarkozy. On pourra citer l’aide à la formation des hommes de foi, l’attribution d’un statut social aux imams, l’aide aux associations cultuelles… De la loi 1905, il ne souhaite conserver que l’esprit, comme un vague héritage du passé. En contrepartie, il insiste sur le fait que les religions doivent être utiles à la société. Pour un homme qui défend la nécessité de donner un sens à sa vie à travers le divin, sa vision de la religion est pour le moins utilitariste : il troque la République laïque contre la généralisation du régime concordataire, avec obligation de résultat de la part des Eglises.

Inégalités entre croyants et non croyants

Nicolas Sarkozy se dit pour l’ « instauration d’avantages fiscaux plus importants pour les fidèles qui participent au denier du culte, à une redéfinition des travaux de confortement, ou encore à la consolidation juridique du recours aux baux emphytéotiques ». Cette position est scandaleuse. D’une part, la croyance fait partie intégrante de la sphère privée. D’autre part, c’est aller à l’encontre de la liberté de conscience que de mettre en avant un quelconque bénéfice résultant de l’investissement dans l’Eglise : le fait religieux n’est pas un système boursier !

Vers une banalisation des sectes ?

Nul doute que les mouvements sectaires ne pâtiraient pas d’un règne sarkozyste. Et pour cause, Nicolas Sarkozy se prononce pour « encourager la diversité des courants de pensée dans chacune des religions ». Il va plus loin, en affirmant que c’est par l’acceptation de cette diversité que s’opérera le renouvellement des religions. Ces propos sont extrêmement dangereux : ce n’est pas en encourageant la clémence sur ces sujets, que le phénomène s’atténuera, au contraire. L’Etat a le devoir préserver ses valeurs et ses citoyens. En ce sens, les autorités doivent se montrer intransigeantes face à tout ce qui représente une entrave aux libertés fondamentales des individus.

Face à la menace d’involution consécutive au modèle de société pensé par Nicolas Sarkozy, il nous faut plus que jamais porter la laïcité comme une extraordinaire source de progrès sociétal. Nous, socialistes, devons défendre farouchement les valeurs de la République conjointement aux libertés individuelles fondamentales. Notre avenir dépend de notre capacité à tirer tous les citoyens français vers le haut, vers une évolution éclairée et positive des consciences.


[1] Source Internet : Le Figaro, 25 Décembre 2006