dimanche 22 mai 2011

Pan! Pan!... fait le pistolet. Et la plume? Dans le cul-cul!

Cette semaine, je comptais écrire sur la fonction présidentielle sous la Vème République, ou comment démontrer par A+B que DSK n'était pas le candidat idéal. J'y reviendrai plus tard, et certainement avec un autre éclairage. Car il y a plus grave aujourd'hui.

Je viens d'entendre FOG sur l'émission-débat de France 2 consacrée à ce que l'on nomme désormais "l'affaire DSK". Et FOG de nous parler de la crédibilité morale de la gauche, nous demandant presque de nous excuser d'avoir attaqué le roi sur son permanent et méprisant étalage de fric. Je suis totalement sidérée et révoltée par ces accusations, qui plus est en provenance d'un journaliste sous le feu des projecteurs. Mais dites-moi de quelle morale parle-t-on à ce stade? 

Ces relents nauséabonds de puritanisme me font froid dans le dos. Voilà donc qu'au pays de Montaigne, Sade et Rousseau, quiconque aux mœurs libertines serait passé au bûcher de la morale de la dogmatique droite des puissances de l'argent? La devise officieuse de mon pays serait-elle redevenue pétainiste: travaille toujours plus, sans te plaindre car si tu oses revendiquer tu subiras les pressions de tes chefs, fonde une famille telle ton roi et sa Carla, défends ta patrie contre les envahisseurs noirs et arabes?


Alors bien sûr DSK tout comme bon nombre d'hommes de pouvoir sont des séducteurs invétérés. Je parle des hommes, mais je pourrais aussi bien parler des femmes de pouvoir. Également, la France est un pays à l'Eros très fort, les codes sociaux sont dictés par une séduction permanente, une certaine intelligentsia a des moeurs libérées. Mais enfin, dois-je rappeler que la séduction est un art, que le libertinage relève d'un consentement et d'une certaine forme de raffinement? Ici, on ne parle pas de productions pornographiques où les puritains viennent soulager leurs pulsions animales. On est sur un toute autre planète: celle de l'affranchissement de l'Homme face aux dogmes établis, celle de la créative communion des corps et des esprits, celle de l'amour et du partage universels.

Autre point à évoquer. La séparation de la sphère privée d'avec la sphère publique. Et sur ce point là, que ce soit en matière de religion ou de mœurs, la droite de Sarkozy se montre dangereusement friande d'un mélange des ces deux notions. Français, cela ne vous effraie donc pas? Nous voilà contrôlés sur chacun de nos actes les plus intimes, la vie privée passée au scanner, verbalisée même si l'on a le malheur de flatter le plus vieux métier du monde. Faut-il passer le cul des français à la question, et ce sur la place publique? Non merci!

Français, retournez donc à vos boudoirs, il est temps de reprendre la philosophie. Sinon, pan-pan cul-cul!

dimanche 15 mai 2011

L'école des Hommes

Hier soir, Michelle et moi nous étions donné RDV pour dîner à la Bodeguita del Medio, version Sydney sider de la Bodega del Medio de la Havane. Collant tant bien que mal à l’original, nous avons commencé avec un mojito au bar. Son “boss” nous a rejointes. Le “boss”, c’est un bel allemand d’âge mûr, d’une intelligence qui rayonne au premier coup d’œil. Et lorsqu’une jeune française rencontre un allemand de la génération post 45, que cette française est une idéaliste passionnée, et cet allemand un penseur réaliste, on est proche du coup de foudre cérébral, et les ébats sont exaltants. Cela m’a toujours fascinée : comment deux peuples ayant une conception si identique du monde et de l’individu, peuvent-ils être si éloignés dans la mise en application de leur pensée. Bref, là n’est pas le sujet, pas pour tout de suite du moins.
Mon nouvel ami donc, que nous appellerons Gunther, pour préserver son anonymat mais surtout pour cacher que j’ai oublié son nom, est un homme d’exception : brillant étudiant en Allemagne, il a poursuivit son éducation a Science Po Paris, parfait la pratique des affaires dans un prestigieux MBA, travaillé pour le Boston Consulting Group, été Shadow minister en Allemagne, avant de prendre la mer pour plusieurs années avec sa femme et ses cinq enfants, voyage qui le mènera en Australie où sa toute nouvelle entreprise ambitionne de faire la nique au Beatles (car c’est ainsi que l’on nomme les majeures banques australiennes se partageant le butin austral).
Nous en voila donc à parler d’éducation. Et Gunther de partager son analyse.
En Allemagne, on nous apprend à développer notre jugement critique. Quelques fois, au détriment de la substance. Il faut avant tout critiquer. Une fois le catéchisme de la critique accompli, on peut appliquer sans complexe. En France, il faut construire une opinion. En trois étapes, thèse, antithèse, synthèse, comme une garçonnière parisienne pour mari infidèle, chambre, salle de bain, cuisine. Mais attention, on ne fait pas ça n’importe comment : développer son opinion sans rhétorique, c’est comme se rendre chez sa maîtresse puis tout avouer a sa femme : point de panache. Fort de l’éducation de qualité reçue dans ces prestigieuses institutions allemande et française, il s’embarque pour un MBA aux États-Unis. Lors de son premier exposé, il n’aura pas fallu plus de 5 minutes aux étudiants US pour le presser d’en venir au faits. Adieu critique et rhétorique, ici, on était dans le temple de l’efficacité : produire un maximum en un minimum de temps.
Un autre aspect de l'école à la française amuse Gunther. L’Allemagne ne proposant pas de cours par correspondance « du fait de [leur] histoire », ses 5 enfants ont suivi les cours du CNED pendant les années de voilier autour du monde. A sa grande surprise, ses enfants doivent suivre des cours de musique. Or, Gunther emploie des professeurs pour chaque matière. Mais où donc trouver un professeur de musique prêt à s’enrôler pour plusieurs années sur un bateau afin d'apprendre à jouer de la flûte à 5 petits allemands. Je vous laisse imaginer les situations cocasses que cela a pu causé, notamment lorsque la censure Birmane se retrouve à écouter une cassette audio des mioches jouant frère Jacques à la flûte, avant envoi de la dite cassette à Poitiers pour évaluation par le CNED.
Eh bien c'est cela que j'aime dans l'école de la République, l'école laïque de Jules Ferry. C'est qu'elle forme des Hommes. Elle ne forme pas de techniciens au service de tel ou tel besoin de l'économie, elle s'attache à former des hommes au service de l'humanité. Ces services, bien entendu, se déclinent en diverses technicités : qui d'un scientifique, qui d'un ouvrier, qui d'un entrepreneur etc... Mais le socle commun de tous, c'est une certaine idée du savoir, de la culture, de la capacité de l'Homme à penser.
Aujourd'hui, si je regarde mon environnement de travail australien, alors que je suis sensée appartenir à une organisation qui recrute « les plus brillants », je suis loin d'être éblouie par de quelconques lumières. Certes, certains sont excellents lorsqu'il s'agit de débiter les théories économiques et financières ingurgitées à l'université. En comparaison de la moyenne, dont le discours se résume à « uni sucks » ou encore « I can't remember a thing of uni », les petits soldats des universités majoritairement sponsorisées par les plus grosses institutions financières du pays, font figure de génies. Mais dès que les génies sont amenés à travailler hors de leur zone de confort, ou bien à émettre un raisonnement qui ferait appel à d'autres types de connaissances que celles pour lesquelles ils ont été formatés, c'est le dérapage assuré, et l'argumentation par story telling, de type « mais si je te donne 10 millions demain, tu ne les prends pas, tu les redistribues ? ».
Voilà pour les bisounours. Mais chez nous aussi, ça coince, à un autre niveau. Il existe comme un désintéressement généralisé de l'humain, au profit de la ressource. Ressources humaines vides de tout capital humain. J'ai étudié dans ces grandes écoles, j'ai même participé au recrutement de ces futurs étudiants. Ce qui m'a quelques fois choquée chez certains, c'est le manque de culture, cette ignorance et ce mépris pour le savoir en général, et la réflexion en particulier.


Moi j'ai aimé l'école, tout le temps. Même lorsque j'étudiais les mathématiques et les sciences physiques plus de 20h par semaine, j'ai toujours trouvé du plaisir et de l'émerveillement dans un cours de français ou un cours d'écriture. Je me rappelle encore du frisson, du haut de mes 8 ans, à réciter les vers de Victor Hugo à sa fille « Demain dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne... ». Je me rappelle de mon excitation à commenter des textes en Espagnol sur Cuba. Je me rappelle le jour où j'ai appris à dire en anglais « une femme de carrière ». Je me rappelle mes heures de rédactions sur les dernières pages de L'Etranger de Camus, mon émotion à lire « Avec Toi / Sans Toi » d'Eluard, ma joie à trouver LA citation de Spinoza pour finir mon analyse du poème de Claude Roy sur sa « Dormante ». Aussi, je me souviens de ma copine Rachida qui me faisait rire aux éclats en parlant arabe « comme à la maison ». Je me souviens de la joie de Moctar lorsqu'il vit de la neige tomber pour la première fois. Je me souviens du débat enflammé entre mon prof d'histoire et une partie de la classe du lycée du 8ème de Marseille, sur le rôle de la France en 40. Enfin, je me souviens de ce prof de maths, me demandant « Et vous, vous en pensez quoi de la loi sur la parité ? », prof de maths que je quitterais les yeux embrumés au mois de Juin, car de lui, j'aurais appris la passion de la connaissance et le bonheur de la partager.
De l'école, j'ai peut-être oublié deux ou trois choses. Mais ce que je sais, c'est que l'école m'a mis le pied à l'étrier pour faire avancer mon âme. C'est pour cela que je suis pour une suppression totale des écoles privées. Au contraire, concentrons nous sur l'école publique, redonnons lui les moyens de briller, elle en a toutes les capacités. En remettant le savoir au cœur du dispositif, en valorisant les professeurs, en inculquant l'amour de l'apprentissage, en réinstaurant une discipline ferme, en abolissant toute forme de rentabilité. Quel financement me répondrez-vous? Public bien sûr, mais également privé, par mécénat obligatoire de toute entreprise privée (ce qui par ailleurs, redonnerait un rôle sociétal à l'entrepreneuriat, mais cela, j'y reviendrai dans un post plus tard).
Que l'on forme des techniciens, des experts, des professionnels, soit. Mais que l'on s'attache avant tout à former des esprits capables d'embrasser les grands desseins de l'humanité. Dans ses Ecrits Politiques, le Marquis de Sade nous dit : « Pour former de grand desseins, il faut avoir l'esprit libre et reposé ». Alors oui, laissons le temps aux débats rhétoriques, nourrissons nos étudiants de savoirs variés ; de ses esprits, écloront de nouveaux savoir-faire.
Pour conclure, et comme cette semaine ce fut l'anniversaire de la disparition de François Mitterrand, je ne bouderai pas mon plaisir en citant un extrait d'un de ses derniers discours :
« L'école, je ne déifie rien, c'est quand même là que l'on est pour apprendre, c'est là que l'on est pour avancer, pour gagner du terrain, pour aborder du primaire au secondaire puis au supérieur, ce que sera la vie, la vie entière, la vie qu'il faudra aborder avec, sans doutes, les moyens de l'intelligence et les moyens matériels, mais auxquels il manquera toujours si vous n'êtes pas non plus formé pour cela, un certaine idée de l'homme dans la société, de l'individu par rapport à l'état, un certain sens de la liberté, une volonté d'égalité, un désir non pas désespéré mais acharné, à préférer le respect des autres à la domination ou à la répression. ».

samedi 7 mai 2011

La prise d'otage permanente


J'ai ressorti mes anciens « Monde Diplomatique ». J'aime bien retrouver ce qu'on a écrit quelques années auparavant pour le comparer à ce qu'il en est aujourd'hui. Dans celui de Mars 2008, je suis tombée sur cet article « Crise financière, surtout n'en tirer aucune leçon ». L'auteur Frédéric Lordon, y évoquait notamment la séparation de la banque de détail et de la banque d'investissement, une proposition du programme du parti socialiste pour 2012 au passage. Je me suis donc plongée dans cette idée, et ai décidée d'en faire l'axe de réflexion de mon article de la semaine.


Lorsque les temps sont durs, pour quelque raison que ce soit, il est un phénomène très naturel applicable à toute entité morale ou physique : le recentrage sur l'intérieur (son « core system » pour les anglophiles). En d'autre termes, il s'agit de maintenir sa structure biologique (cf. Henri Laborit, Éloge de la fuite).

Originellement, qu'est-ce donc que le rôle de la banque ? Je dis bien la banque, et non pas une quelconque institution financière. Au lieu que mémé cache ses maigres économies sous son matelas, elle va déposer ses billets à la banque, dans un lieu sûr, moyennant une commission. Si j'ai besoin d'argent pour acheter mon appartement, la banque me prête de l'argent, moyennant une commission. Donc la banque et ses banquiers sont plutôt des gens qui rendent service aux quidams. D'où l'importance sociétale de la banque.

Ensuite, il y a les services financiers au service du capitalisme. Mais ça ce n'est pas pour mémé, ni pour moi. C'est plutôt pour des gens comme Liliane dont les billets débordent du matelas ou Jean qui est né propriétaire. Ça les aide à faire fructifier leur capital existant, pour qu'à leur tour ils investissent dans des projets pour le bien de l'économie, et ce de manière personnelle et philanthrope (une campagne présidentielle, une montre pour l'anniversaire de papa le président etc...). Comme ça, quand l'économie se porte bien, c'est toute la société qui en profite (emploi, donc pouvoir d'achat, consommation, etc...). Ainsi, un jour béni arrivera où mémé et moi, on pourra sauter la barrière et toucher du doigt le fabuleux monde de Liliane et Jean. Enfin la principale idée ici, c'est que la finance d'investissement n'est pas statique, mais dynamique. Les investisseurs empruntent de l'argent, le réinvestissent, et ça fait plus d'argent pour les déjà riches et par extension pour les bientôt riches. Et ainsi de suite, il n'y a pas de pauvres !

Le problème c'est d'où vient l'argent qu'on empreinte pour faire de l'argent.
Par une fabuleuse confusion des genres, on ne sait pas vraiment. Et au final, il se peut que par un effet domino, d'un bout à l'autre de la chaîne, Liliane et Jean ont fait de l'argent pendant des années en utilisant ce que mémé et moi avions mis à la banque, mais qu'au moment de payer l'addition, la dilution du risque était telle que mémé et moi, on a dû en payer les conséquences car c'était une nouvelle crise : moins d'épargne pour mémé, plus de crédit pour moi, on ne sera pas bientôt riches.

D'ailleurs, il y a eu d'autres dégâts dans cet écroulement de château de cartes. En effet, Liliane et Jean ont confié leur argent à des gens compétents en Finance (les traders). Ces gens compétents en Finance, ils font quelques opérations magiques sur des ordinateurs, et reviennent vers Liliane et Jean avec plus d'argent (moyennant une commission bien entendu). Lors des opérations magiques sur les ordinateurs, les traders ont le pouvoir en quelques clics d'acheter des biens de première nécessité en grosse quantité, de les retenir pour quelques jours, et donc, loi de l'offre et de la demande, de faire monter les prix. Les dommages collatéraux, comme par exemple le Sénégal qui s'affame, c'est un mal nécessaire pour faire tourner la machine. C'est la loi du marché, l'offre et la demande, on n'y peut rien.


En fait si, on y peut quelque chose. En revenant aux fondamentaux de l'être humain, de l'économie de marché, des théories capitalistes.

De l'être humain d'abord. Ce qui nous différencie des animaux, c'est notre cerveau. Tellement gros, qu'on a développé la conscience et tout ce qui va avec. Donc comme nous ne sommes pas des animaux, ce n'est pas la loi du plus fort qui doit s'appliquer à nos modèles sociétaux. Tout cela, j'y reviendrai la semaine prochaine, dans un article sur l'éducation.

De l'économie de marché ensuite. L'économie quelle qu'elle soit n'a jamais été inventée pour servir l'économie uniquement. L'économie est une composante du développement de l'humanité, elle n'est pas son unique vecteur de développement. Dans la spirale ascendante de l'évolution, elle peut nous donner des impulsions, mais pas être le moteur à elle toute seule. C'est en mettant l'être humain au cœur de ses préoccupations qu'elle sera efficace et remplira son rôle de composante positive. Non pas en phagocytant notre évolution, c'est à dire en se transformant en agent de régression pour l'humanité. Concrètement, cela peut se traduire par une interdiction de spéculer et un plafonnement des prix sur les biens de première nécessité.

Des théories capitalistes enfin. Le risque est au cœur de cette théorie. Ça tombe bien j'adore le risque, et l'adrénaline qui va avec ! En d'autres termes, j'en assume les conséquences que ça tourne à mon avantage ou non. Je ne distribue pas mon risque à la terre entière en attendant d'en récolter les lauriers si mon pari est gagnant, ou de laisser tout le monde dans la faillite si je perds mon pari. Je joue avec mon argent, pas celui des autres. C'est donc l’appétence au risque en regard de sa dilution qui sont à recadrer, et à contrôler au niveau de la finance mondiale. C'eût été un bon projet pour l'international socialiste DSK, mais il semble que les ors sondagiers de la République l'appellent au secours. En tout cas, quel que soit le candidat de la gauche, je souhaite que la mesure de séparation entre banque de détail et banque d'investissement soit mise en œuvre en France. Car le système actuel n'est autre qu'une prise d'otage de tous sous couvert de libre circulation de flux financiers. Rendons la liberté aux hommes, et contrôlons les flux, plutôt que l'inverse.


Voici donc l'invitation de la semaine : retournez aux fondamentaux. Moi j'ai commencé cet après-midi, en vous écrivant depuis la plage, où je contemple le vent dans les cheveux, mère nature qui fait l'amour à Poséidon, sous une éblouissante lumière soleil. Élémentaire.