mardi 1 janvier 2008

Citations - « Mémoires interrompus » - F. Mitterrand

« Mémoires interrompus »
François Mitterrand

P.13
« Un ordre plus juste finit pourtant par s’imposer. Des audacieux se détachèrent de la masse, s’élevèrent contre la loi du plus fort et, soutenus par le consentement général, mirent sur pied un ébauche d’organisation. La violence disparut. Ceux qui l’avaient pratiquée, devenus de pauvres types, méprisés, isolés dans leur coin, quémandaient humblement leur part. A la loi du couteau s’était curieusement substituée une loi nouvelle, fondée sur l’exactitude du partage. Je me suis souvent interrogé sur cette singulière alchimie sociale qui, au stalag, nous a fait passer en moins de trois mois de la jungle à la civilisation. »

P.34
« La force naît de l’opposition. Non pas la demi-mesure, la fausse sagesse du juste milieu, mais l’âpre violence, la conquête brutale, la soumission exigée. »

P.76
« … l’alibi « national » - ce mot à tout faire - qui, à l’expérience, a presque toujours servi les ennemis de la patrie. »

P.224, évoquant « Le coup d’état permanent »
« Il faudrait, par exemple, un chapitre sur le pouvoir des juges, sur le nouveau pouvoir judiciaire… Il faudrait aussi parler de ce pouvoir nouveau, de ce pouvoir en soi qu’est devenu l’audiovisuel – et qui n’est pas seulement le pouvoir de l’argent. La dérive anti-démocratique pourrait venir de là. Supposez un président qui aurait le pouvoir politique que lui confèrent les institutions et, en plus, la faveur des médias de masse. Je n’en ai jamais bénéficié. Mais – je peux l’imaginer – cela risquerait de donner à ce président des pouvoirs réels excessifs, sans garanties pour la démocratie. »

P.244
« Les crises qu’a traversées le parti socialiste, indépendamment des ambitions concurrentes, depuis l’échec aux législatives de 1978, ont toutes leur origine dans ce même débat : alliance à gauche ou alliance au centre. J’ai pris ma part et je continue : je considère que toute faiblesse du parti socialiste à l’égard du centre le conduit à sa perte et que cette tentation chaque fois renaissante le fragilise dès qu’elle paraît l’emporter. Le parti socialiste ne doit jamais oublier que son combat, loin de se situer sur le champ politique, est d’abord et avant tout un combat contre les forces sociales, qui elles, déterminent les conditions du combat politique. »

P.246
« Il n’y a pas d’autre stratégie pour les socialistes, que dans cet ancrage à gauche et dans l’Union de la gauche. Ne pas l’admettre, c’est non seulement perdre sa force et son identité, c’est aussi courir irrémédiablement à l’échec.
            Je crois pour demain comme hier à la victoire de la gauche à condition qu’elle reste elle-même. Qu’elle n’oublie pas que sa famille, c’est toute la gauche. Hors du grand rassemblement des forces populaires, il n’y a pas de salut. Il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais de dynamique de victoire.
            Depuis 1965, par un simple effet mécanique, le candidat socialiste peut atteindre, dans ses basses eux 20 à 23 %, son bon niveau se situant à 25 %. C’est la son socle, le socle quasiment incompressible qui est le sien depuis que je l’ai mené là. Ainsi, le candidat de la gauche, au second tour d’une élection présidentielle, doit tout aussi mécaniquement atteindre les 46 à 48 % de votants. Et même plus s’il se passe quelque chose, si par sa campagne et sa dimension personnelle le candidat de la gauche réussit à entraîner l’adhésion des hésitants.
            Bien sûr, je reste lucide. Je suis conscient des rapports de forces – et j’ai dit jadis que la droite était politiquement majoritaire dans ce pays… Il y a en effet des moments, des circonstances où il faut élargir son assise en passant de nécessaires accords d’états-majors. Mais tout cela ne se fait qu’après qu’une stratégie de gauche a été dessinée, une dynamique impulsée. Il ne faut donc pas changer de cap : la rassemblement à gauche de toute la gauche. »