samedi 7 mai 2011

La prise d'otage permanente


J'ai ressorti mes anciens « Monde Diplomatique ». J'aime bien retrouver ce qu'on a écrit quelques années auparavant pour le comparer à ce qu'il en est aujourd'hui. Dans celui de Mars 2008, je suis tombée sur cet article « Crise financière, surtout n'en tirer aucune leçon ». L'auteur Frédéric Lordon, y évoquait notamment la séparation de la banque de détail et de la banque d'investissement, une proposition du programme du parti socialiste pour 2012 au passage. Je me suis donc plongée dans cette idée, et ai décidée d'en faire l'axe de réflexion de mon article de la semaine.


Lorsque les temps sont durs, pour quelque raison que ce soit, il est un phénomène très naturel applicable à toute entité morale ou physique : le recentrage sur l'intérieur (son « core system » pour les anglophiles). En d'autre termes, il s'agit de maintenir sa structure biologique (cf. Henri Laborit, Éloge de la fuite).

Originellement, qu'est-ce donc que le rôle de la banque ? Je dis bien la banque, et non pas une quelconque institution financière. Au lieu que mémé cache ses maigres économies sous son matelas, elle va déposer ses billets à la banque, dans un lieu sûr, moyennant une commission. Si j'ai besoin d'argent pour acheter mon appartement, la banque me prête de l'argent, moyennant une commission. Donc la banque et ses banquiers sont plutôt des gens qui rendent service aux quidams. D'où l'importance sociétale de la banque.

Ensuite, il y a les services financiers au service du capitalisme. Mais ça ce n'est pas pour mémé, ni pour moi. C'est plutôt pour des gens comme Liliane dont les billets débordent du matelas ou Jean qui est né propriétaire. Ça les aide à faire fructifier leur capital existant, pour qu'à leur tour ils investissent dans des projets pour le bien de l'économie, et ce de manière personnelle et philanthrope (une campagne présidentielle, une montre pour l'anniversaire de papa le président etc...). Comme ça, quand l'économie se porte bien, c'est toute la société qui en profite (emploi, donc pouvoir d'achat, consommation, etc...). Ainsi, un jour béni arrivera où mémé et moi, on pourra sauter la barrière et toucher du doigt le fabuleux monde de Liliane et Jean. Enfin la principale idée ici, c'est que la finance d'investissement n'est pas statique, mais dynamique. Les investisseurs empruntent de l'argent, le réinvestissent, et ça fait plus d'argent pour les déjà riches et par extension pour les bientôt riches. Et ainsi de suite, il n'y a pas de pauvres !

Le problème c'est d'où vient l'argent qu'on empreinte pour faire de l'argent.
Par une fabuleuse confusion des genres, on ne sait pas vraiment. Et au final, il se peut que par un effet domino, d'un bout à l'autre de la chaîne, Liliane et Jean ont fait de l'argent pendant des années en utilisant ce que mémé et moi avions mis à la banque, mais qu'au moment de payer l'addition, la dilution du risque était telle que mémé et moi, on a dû en payer les conséquences car c'était une nouvelle crise : moins d'épargne pour mémé, plus de crédit pour moi, on ne sera pas bientôt riches.

D'ailleurs, il y a eu d'autres dégâts dans cet écroulement de château de cartes. En effet, Liliane et Jean ont confié leur argent à des gens compétents en Finance (les traders). Ces gens compétents en Finance, ils font quelques opérations magiques sur des ordinateurs, et reviennent vers Liliane et Jean avec plus d'argent (moyennant une commission bien entendu). Lors des opérations magiques sur les ordinateurs, les traders ont le pouvoir en quelques clics d'acheter des biens de première nécessité en grosse quantité, de les retenir pour quelques jours, et donc, loi de l'offre et de la demande, de faire monter les prix. Les dommages collatéraux, comme par exemple le Sénégal qui s'affame, c'est un mal nécessaire pour faire tourner la machine. C'est la loi du marché, l'offre et la demande, on n'y peut rien.


En fait si, on y peut quelque chose. En revenant aux fondamentaux de l'être humain, de l'économie de marché, des théories capitalistes.

De l'être humain d'abord. Ce qui nous différencie des animaux, c'est notre cerveau. Tellement gros, qu'on a développé la conscience et tout ce qui va avec. Donc comme nous ne sommes pas des animaux, ce n'est pas la loi du plus fort qui doit s'appliquer à nos modèles sociétaux. Tout cela, j'y reviendrai la semaine prochaine, dans un article sur l'éducation.

De l'économie de marché ensuite. L'économie quelle qu'elle soit n'a jamais été inventée pour servir l'économie uniquement. L'économie est une composante du développement de l'humanité, elle n'est pas son unique vecteur de développement. Dans la spirale ascendante de l'évolution, elle peut nous donner des impulsions, mais pas être le moteur à elle toute seule. C'est en mettant l'être humain au cœur de ses préoccupations qu'elle sera efficace et remplira son rôle de composante positive. Non pas en phagocytant notre évolution, c'est à dire en se transformant en agent de régression pour l'humanité. Concrètement, cela peut se traduire par une interdiction de spéculer et un plafonnement des prix sur les biens de première nécessité.

Des théories capitalistes enfin. Le risque est au cœur de cette théorie. Ça tombe bien j'adore le risque, et l'adrénaline qui va avec ! En d'autres termes, j'en assume les conséquences que ça tourne à mon avantage ou non. Je ne distribue pas mon risque à la terre entière en attendant d'en récolter les lauriers si mon pari est gagnant, ou de laisser tout le monde dans la faillite si je perds mon pari. Je joue avec mon argent, pas celui des autres. C'est donc l’appétence au risque en regard de sa dilution qui sont à recadrer, et à contrôler au niveau de la finance mondiale. C'eût été un bon projet pour l'international socialiste DSK, mais il semble que les ors sondagiers de la République l'appellent au secours. En tout cas, quel que soit le candidat de la gauche, je souhaite que la mesure de séparation entre banque de détail et banque d'investissement soit mise en œuvre en France. Car le système actuel n'est autre qu'une prise d'otage de tous sous couvert de libre circulation de flux financiers. Rendons la liberté aux hommes, et contrôlons les flux, plutôt que l'inverse.


Voici donc l'invitation de la semaine : retournez aux fondamentaux. Moi j'ai commencé cet après-midi, en vous écrivant depuis la plage, où je contemple le vent dans les cheveux, mère nature qui fait l'amour à Poséidon, sous une éblouissante lumière soleil. Élémentaire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire